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Crise sanitaire : témoignage d'une mère de famille

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La situation de confinement accentue la précarité. La pandémie et ses conséquences ont d'autant plus d'impact sur la vie que la situation des personnes et des familles est précaire. Gaëlle n'avait pas imaginé que le basculement dans les difficultés puisse concerner son ménage. Dans un long entretien, plein de dignité, cette maman soutenue par une équipe locale du Morbihan, se confie à une journaliste du Parisien.

Gaëlle vit en couple depuis cinq ans. Son compagnon est maçon. Ils habitent une maison avec jardin. Le couple a quatre enfants. Les trois aînés ont été élevés par la maman seule avant sa rencontre avec son compagnon, il y a cinq ans. Depuis le couple a eu une petite fille qui a trois ans aujourd'hui. L'aînée des enfants, onze ans, est atteinte d'une maladie invalidante qui s'est révélée rapidement et qui a contraint Gaëlle à cesser de travailler et utiliser les congés parentaux, le temps que soient posés les diagnostics. Son second enfant, dix ans, est reconnu hyperactif. La maman n'a donc pas repris le travail, la situation des enfants exigeant une présence constante, alors qu'auparavant, elle avait assuré différents emplois, toujours dans le domaine social : assistante de vie scolaire ou auprès de personnes à domicile, directrice de centre de loisirs... Arrivée récemment à la fin des congés parentaux, Gaëlle s'est  projetée à nouveau dans la recherche d'un emploi, qu'elle a trouvé et qui devait débuter au début du mois d'avril. Le covid19 et le confinement en ont décidé autrement.

 

Il y a dix huit mois, un événement douloureux.

Le décès à la naissance d'un cinquième enfant  a été le choc à l'origine des difficultés de la famille. Les frais d'obsèques s'ajoutant au coût des équipements pour l'aînée, une perte de revenu pour le papa placé en arrêt maladie, et le  traumatisme occasionné par la perte du bébé déstabilisent le couple: « Pas l'envie  d'aller faire les courses, dit Gaëlle, pas l'envie de faire quoi que ce soit, pas l'envie de gérer le côté administratif et du coup se retrouver submergés par les difficultés. Je suis allée, un jour, à la banque chercher les sous que je pensais rester sur mon compte ; la banque les avait pris pour  les frais qui leur étaient dûs certainement, mais nous, cette somme-là, on en avait besoin pour  manger à ce moment-là et il n'y avait plus rien et on n'avait plus rien à donner à manger aux enfants. Alors, j'ai mis ma fierté dans ma poche et j'ai été sonner à la porte du Secours Catholique... Et là, je suis tombée sur des personnes formidables, qui ne se sont pas posé de questions, qui se sont assises autour d'un café pour nous donner de quoi se confier, se poser et puis de quoi manger pour nos enfants. Ne pas pourvoir donner à manger à ses enfants, c'est inimaginable surtout quand on travaille... »

 

L'aide qu'elle reçoit permet de tenir.

Elle assure au foyer une alimentation variée incluant des denrées fraîches qu'elle n'aurait pu acheter. Gaëlle commence à percevoir pour sa fille aînée  des allocations enfant handicapée et la petite dernière va rentrer à l'école. Gaëlle peut alors envisager des démarches pour un retour à l'emploi. : « Celles-ci se sont concrétisées en début d'année par des entretiens qui devaient me permettre de signer en mars un contrat de travail. »

C'est pour elle, la perspective de « la liberté... la liberté... et d'apporter ma pierre à la maison... de pouvoir faire autre chose. C'est une porte de sortie en fait pour que financièrement on puisse vivre correctement. C'est aussi important d'avoir une vie au dehors de sa maison... »


Le confinement vient suspendre ce projet de retour au travail.

Gaëlle « ne sait pas si ce poste sera toujours d'actualité au moment de la reprise... » Elle est déçue et consciente que la situation actuelle, notamment le fait que les enfants soient à la maison  l'éloigne de ce retour au travail tant espéré. Financièrement, le couple cumule encore les difficultés et se demande comment faire face aux charges des mois prochains. Le salaire du mari a été amputé de 300 € au mois de mars et le sera davantage au mois d'avril. Il manque également l'aide indirecte de la cantine scolaire qui assurait aux enfants un repas complet pour un prix que {« je ne peux pas concurrencer »} rapporte Gaëlle. Les courses  coûtent plus cher et ce n'est pas toujours facile de trouver les produits qu'elle a l'habitude d'acheter. Les paniers que fournit le Secours Catholique sont encore distribués, mais là aussi, il faut faire avec la disparition des produits frais, fruits, légumes, laitages que la mère de famille doit se procurer en magasin.

Interrogée sur le fait de se considérer comme pauvre ou non, Gaëlle affirme ne pas le savoir :

« On vit avec ce que l'on a, dit-elle, je n'arrive pas à me dire, on est pauvres ou on ne l'est pas ! » Elle ne sait pas non plus si la famille va pouvoir bénéficier des aides promises par l'État. Elle aimerait pouvoir vivre des revenus du couple, ce qui n'est pas le cas. « L'aide, est-ce qu'on y aura le droit ? Je ne sais pas. Plutôt que de compter sur elle, on va essayer de gérer au mieux et surtout, de  faire en sorte que les enfants ne subissent pas cette situation. »


Malgré les problèmes, Gaëlle reste positive :

« On n'est pas malheureux ! On a un jardin, on est en maison. Je pense que c'est plus compliqué encore pour d'autres personnes qui ont plusieurs enfants dans des logements plus petits... On ne fait pas partie des plus malheureux ! »

 

Et l'avenir ?

« À mon avis, je pense qu'il faudra une bonne année pour tout remettre à plat. Je pense que ce sera la même chose pour beaucoup de familles, même sans difficulté financière, avec cette peur de la maladie. Tout le monde va mettre du temps à reprendre une vie normale ! »

 

Aux dernières nouvelles.


Après étude de sa situation, la famille sait qu'elle bénéficiera d'une aide de 100 euros par enfant, ce qui ne comble pas les pertes occasionnées par le confinement. L'équipe du Secours catholique qui vient en aide à la famille continue son action. Avec la Banque alimentaire, elle peut fournir davantage de produits frais depuis deux semaines. Elle a également bénéficié de l'aide gracieuse d'un maraîcher local qui, à deux reprises, a permis de  servir des légumes frais.
Auteur et crédits
Jean-Eudes Tougait