Dans le Morbihan, face à la précarité accrue, les bénévoles au plus près des plus fragiles
À l'occasion de la sortie du rapport annuel de l'association sur la pauvreté en France, la délégation du Morbihan illustre l'étude nationale par des exemples de situations de personnes fragilisées que les trente-six équipes locales accompagnent, et avec leurs témoignages. Ainsi sont relatées les difficultés de Carole, Nadège, Charles.
« Je me sens bridée sur tout !… », tels sont les mots de Carole, qui témoignait le jeudi 18 novembre à l’occasion de la parution du rapport national sur l’état de la pauvreté en France que produit chaque année le Secours Catholique Caritas France. Carole fait partie des 1 500 familles qui, en 2021, ont été accompagnées par les 850 bénévoles de la délégation du Morbihan et qui aujourd’hui, subissent de plein fouet la situation économique après avoir été marquées par la pandémie de Covid et les confinements successifs qu’elle a engendrés.
Entrepreneure dans le secteur commercial et dépendante de la tenue de foires et de salons professionnels, Carole s’est trouvée obligée de suspendre son activité en raison des confinements, alors qu’en même temps elle a dû quitter l’appartement qu’elle occupait, repris par son propriétaire. Sans ressources, elle n’a pu retrouver à se loger et cohabite à ce jour chez des amis disposant d’un étage inoccupé. La relance de son activité piétine, la clientèle est frileuse et les frais engagés dans les derniers salons l’ont été à fonds perdus. « Je n’ai pas la possibilité d’avoir un appartement, je suis obligée de tout réduire et de limiter mes dépenses. J’ai l’impression d’être bridée sur tout. », confie-t-elle. Le plus dur pour elle a été la perte de son fils et le besoin d’être aidée pour régler les frais d’obsèques. Auprès des bénévoles de l’équipe locale, elle a pu trouver l’aide matérielle dont elle avait besoin, mais aussi écoute et soutien dans ces moments douloureux.
« Je n’ai pas la possibilité d’avoir un appartement, je suis obligée de tout réduire et de limiter mes dépenses. J’ai l’impression d’être bridée sur tout. »
Nadège, elle aussi, vit difficilement
. Divorcée à 40 ans, elle « s’est débrouillée » pour élever seule ses quatre enfants. Aujourd’hui, jeune retraitée, elle vient de se voir supprimer l’allocation adulte handicapé qu’elle percevait et ne bénéficie d’aucune aide. Elle dispose de 1000€ de ressources mensuelles dont 700 sont engagés pour le loyer les charges et remboursement de prêt. Devant l’augmentation du coût de la vie, elle partage ses craintes : « J’ai très peur, et je me demande ce que je vais devenir demain. J’ai peur de mal vieillir parce que je manque d’argent. Je ne vais plus faire de courses. Ma facture d’électricité vient de passer de 70 à 95€. Il faudrait que j’aille chez le coiffeur, que j’achète des chaussures, mais je ne peux pas. Je ne peux plus m’habiller. Je reste dans mon coin. Je ne veux pas qu’on me voit, je ne veux pas qu’on me juge. Ce n’est pas de la fierté, c’est de la dignité. » Elle trouve heureusement de la compréhension auprès de ses enfants qui parfois lui remplissent le frigo et de l’équipe du Secours catholique qui l’accompagne.
« Je ne veux pas qu’on me voit, je ne veux pas qu’on me juge. Ce n’est pas de la fierté, c’est de la dignité. »
Charles fait partie des hommes seuls accompagnés par le Secours Catholique du Morbihan. Ce retraité de 69 ans est un fidèle de l’équipe qu’il a rencontrée il y a quelques années, au moment où le besoin d’être aidé s’est fait pressant. Aujourd’hui, il concourt à l’approvisionnement en légumes de l’aide alimentaire et soutient, comme il le peut, des amis, eux aussi, en situation précaire. Et pourtant il n’est pas lui-même sorti de la mouise. Il lui faut parfois composer avec des ressources qui varient. Il vient de passer par une période de six mois où sa retraite s’est limitée à 285€.
« La période n’est pas folichonne, dit-il. La bouffe, ça va avec les Restos du Cœur. Ce qui m’inquiète c’est comment passer l’hiver. L’énergie est devenue un sujet de conversation. Le pétrole en bidon est passé de 22 à 38 ou même 44 €. Cette année je mets une croix dessus. Dans un angle de la maison, en chantier, je me suis construit une cellule, de 5,6 m² et 1,74 m de hauteur… Je me mets tout seul en prison. Un petit cube électrique pour chauffer, une grosse couette et une couverture par-dessus… Et des Damart, si j’en trouve ! »
Son humour laisse de temps en temps place à l’inquiétude : « J’ai des moments de découragement, je fais le dos rond. Depuis un semestre, j’ai une période d’épuisement. Je suis tombé trois fois les derniers temps. Je cherche des explications. Je dois passer des examens à l’hôpital. Je sens pourtant que l’énergie est dans un coin et qu’elle va ressortir à un moment. »
Ce qui m’inquiète c’est comment passer l’hiver.
Comme Carole, Nadège ou Charles, les ménages rencontrés en 2021 par les trente-six équipes locales de la délégation vivent avec des ressources limitées. Lorsque toutes les charges fixes ont été acquittées, il reste en moyenne, par jour et par personne, 7 € pour se nourrir, se vêtir et s’accorder quelques loisirs, ce qui devient impossible pour la plupart.
Pour lutter contre la précarité qui atteint un nombre croissant de personnes, les bénévoles du Secours Catholique du Morbihan sont à l’écoute de leurs besoins et s’efforcent d’y répondre directement ou les orientent vers les services ou associations en mesure de le faire.
